Le devoir de désobéir

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Le devoir de désobéir

Obéir

Il y a des moments dans la vie où il faut savoir désobéir. Laissez-moi vous illustrer cela par les deux histoires ci-dessous : l’une expliquée par M. Andrew Carnegie, l’un des plus grands industriels de son époque, et la seconde expliquée par le biographe de Steve Jobs. Bonne lecture.

Un principe faux par M. Andrew Carnegie

Andrew_Carnegie,_three-quarter_length_portrait,_seated,_facing_slightly_left,_1913« Un axiome faux que vous entendrez souvent et contre lequel je veux vous mettre en garde est le suivant : obéissez aux ordres, même s’ils ruinent vos patrons. Ne faites pas cela. Ce n’est pas une règle à suivre pour vous. Toujours, enfreignez les ordres pour sauver vos patrons. N’hésitez pas à agir ainsi, chaque fois que vous serez certains de servir les intérêts de votre patron, et que vous serez assez sûrs du résultat pour en prendre la responsabilité. Vous ne serez jamais un associé si vous ne connaissez les affaires de votre service beaucoup mieux que les patrons ne peuvent les connaître. Lorsqu’on vous demande des explications sur votre acte d’indépendance, montrez le résultat de votre perspicacité, et dites bien que vous le connaissiez à l’avance. Montrez combien les ordres étaient erronés. Soyez le patron de votre patron, aussitôt que vous le pouvez.  »

 

Quand des salariés désobéissent à Steve Jobs

Cet esprit de rébellion, par exemple, a été crucial lorsqu’il a fallu choisir le lecteur de disquette pour le Macintosh. Apple avait une unité de production qui avait développé un lecteur de disquette, appelé Twiggy, qui pouvait lire et écrire des données sur ces fines disquettes magnétiques souples de 5 pouces un quart, que les lecteurs plus âgés (qui se souviennent de Twiggy-la-brindille, le mannequin anglais) connaissent bien. Mais quand le Lisa fut prêt à être lancé, il fut évident que le Twiggy n’était pas fiable. Comme le Lisa embarquait un disque dur, ce n’était pas catastrophique. Mais le Mac n’avait pas de disque dur, alors le problème était épineux. « Tout le monde commençait à paniquer », raconte Hertzfeld, l’un des membres de l’équipe de développement du projet.
On en discuta, en privé, lors du séminaire à Carmel en janvier 1983. Debi Coleman donna la liste des dysfonctionnements du Twiggy. Quelques jours plus tard, Jobs se rendit à l’usine Apple à San José pour voir l’unité de production du Twiggy. Plus de la moitié des appareils étaient rejetés à chaque étape de l’assemblage. Jobs vit rouge. Il se mit à les traiter d’incapables, à dire qu’il allait mettre tout le monde à la porte. Bob Belleville, le chef de production lui fit faire un petit tour sur le parking pour discuter des alternatives possibles.
Il y avait une piste qu’avait explorée Belleville : le nouveau lecteur Sony qui utilisait des disquettes de 3 pouces et demi. La disquette était logée dans un étui rigide protecteur et pouvait tenir dans une poche de chemise. L’autre option était de faire construire un clone du Sony par un fabricant japonais plus modeste, la Alps Electronic Co, qui produisait déjà les lecteurs de l’Apple II. Alps venait d’acquérir la licence pour fabriquer le nouveau lecteur Sony ; ils pouvaient peut-être construire leur propre modèle dans les temps et pour beaucoup moins cher.
Jobs et Belleville, avec Rod Holt, un ancien d’Apple (l’homme qui avait conçu l’alimentation sans ventilateur de l’Apple II), partirent au Japon afin de se faire une idée sur place. Ils prirent le Shinkansen à la gare de Tokyo pour se rendre à l’usine de Alps. Les ingénieurs là-bas n’avaient même pas de prototype opérationnel, juste une maquette rudimentaire. Mais Jobs était enthousiaste ; Belleville beaucoup moins. Pour lui, jamais Alps ne serait prêt pour la sortie du Mac dans un an.
(…)
JobsLa dernière étape de leur voyage fut l’usine Sony, située dans un faubourg sinistre de Tokyo. Jobs n’aima pas la conception brouillonne du lecteur, ni son prix. Et beaucoup de composants étaient assemblés à la main, ce que Jobs détestait par-dessus tout. De retour à l’hôtel, Belleville se prononça pour une collaboration avec Sony. L’appareil était opérationnel. Jobs n’était pas d’accord. Il préférait travailler avec Alps et leur demander de fabriquer leur propre clone. Il ordonna à Belleville de couper tous les ponts avec Sony.
Mais Belleville jugea plus prudent d’expliquer la situation à Mike Markkula (l’un des principaux actionnaires d’Apple), qui lui dit de s’assurer qu’il y ait un lecteur prêt à temps – mais de ne pas en parler à Jobs. Avec l’aide de ses ingénieurs, Belleville demanda à Sony d’adapter son lecteur pour qu’il puisse tourner sur le Mac. Si Alps ne pouvait pas livrer le périphérique à temps – ce qui était fort probable – Apple pourrait changer son fusil d’épaule et s’adresser à Sony. Le constructeur nippon envoya bientôt chez Apple, en catimini, le concepteur du lecteur, Hidetoshi Komoto, un diplômé de l’université Purdue, qui, heureusement, prenait avec humour sa présence clandestine dans les locaux.
Chaque fois que Jobs quittait son bureau pour rendre visite à l’équipe — c’est-à-dire tous les après-midi — il fallait cacher Komoto. Un jour, Jobs croisa l’ingénieur dans un magasin de journaux de Cupertino ; il le reconnut mais ne se douta de rien. Il y eut un moment critique lorsque Jobs débarqua à l’improviste dans la salle, alors que Komoto était assis à l’un des bureaux. Un développeur le tira par le bras et désigna le placard à balais.
— Vite, là-dedans !
« Komoto ne comprenait pas ce qui se passait, se souvient Hertzfeld, mais il a sauté de son siège et a fait ce qu’on lui demandait. Il a dû rester cinq bonnes minutes dans ce placard, avant que Steve ne se décide à partir ! »
L’équipe Mac s’excusa platement.
— Pas de problème. Mais vous autres, Américains, avez des méthodes de travail étranges. Vraiment très étranges.
La prédiction de Belleville se réalisa. En mai 1983, la direction d’Alps reconnut qu’il leur fallait encore un an et demi avant d’être prêts à lancer la production de leur clone du lecteur Sony. Lors d’un séminaire au Pajaro Dunes, Markkula mit la pression sur Jobs : et maintenant, comment comptait-il rattraper le coup ? Au bout d’un moment, Belleville intervint et annonça qu’il y avait un plan B. Jobs eut un moment d’arrêt, puis comprit. Voilà pourquoi il avait croisé le concepteur du lecteur Sony à Cupertino. « Espèce de fils de pute ! » lâcha Jobs – mais avec un grand sourire aux lèvres. « Steve a ravalé sa fierté, raconte Hertzfeld, et les a remerciés d’avoir désobéi à ses ordres et pris la bonne décision. » Après tout, il aurait fait la même chose à leur place.

A lire ou à relire : La biographie de Steve Jobs.

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